Davide Gallo Lassere
CONTRE LA LOI TRAVAIL ET SON MONDE
Argent, précarité et mouvements sociaux
Rayon: Sociologie
Collection : A’ Présent
ISBN: 979-10-93250-16-8
104 pages
Prix : 13,50 euros
Parution: 25 Novembre 2016
« Onze ans après les émeutes des banlieues, dix ans après la lutte contre le CPE, six ans après les protestations contre la réforme des retraites, l’ensemble du territoire français est finalement réinvesti par une vague de contestation politique qui libère l’atmosphère de toutes les passions tristes qui ont pourri nos existences pendant cette année terrible qui a été le 2015. »
L’ouvrage: Après une année marquée par les tueries de janvier et de novembre et par l’imposition de l’état d’urgence, la mobilisation contre la Loi Travail du printemps 2016, avec ses blocages de lycées et d’universités, ses cortèges de manifestants, ses Nuits debout et ses grèves syndicales, change le climat politique. Cet ouvrage parcourt les moments topiques qui ont scandé la mobilisation, en montrant comme le « long mars français » puise ses racines dans une histoire récente qui le précède et qui le dépasse. Les événements du printemps 2016 doivent ainsi être situés dans une perspective transnationale qui va de 1968 jusqu’aux luttes globales de 2011, en passant par le déclenchement de la crise en 2007-2008. Cette approche permet à l’auteur d’élaborer une vision d’ensemble de la crise en cours et des protestations qui l’ont accompagnée en mettant en lumière l’articulation entre le plan national français et celui de la gouvernance européenne. Les réformes néolibérales opérées par les gouvernements socialistes entrent en effet en forte résonance avec les normes en vigueur dans les différents contextes nationaux, même si les formes d’opposition et de résistance mises en place reflètent les spécificités françaises. Attentif à la composition subjective de la contestation, l’essai avance enfin une proposition passible d’alimenter le débat politique dans les mois à venir : la socialisation du revenu et son lien avec les luttes antiraciales.
L’auteur: Davide Gallo Lassere est chercheur précaire rattaché au laboratoire Sophiapol de l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense. Actuellement post-doctorant au Iuss de Pavie, il s’occupe de philosophie sociale, économique et politique et de théories monétaires et du capitalisme.
Le public: tous ceux qui sont sensibles aux mouvements sociaux, à la politique et aux transformations du présent.
Un extrait : « Paris, debout, sou-lève-toi ! Paris, debout, sou-lève-toi ! Paris, debout, sou-lève-toi ! » : ce chant saccadé, que l’on entend revenir puissamment à chaque manif, rythme l’avancée des 2 000 personnes qui, samedi 9 avril à 22h30, de Nuit debout se sont dirigées vers rue Keller, pour un joyeux « apéro chez Valls ». Après les blocages à répétition des cours dans les facs et les lycées, et suite aux quatre imposantes manifestations du 9, du 17, du 24 et du 31, le mois de mars a enfin débouché sur l’occupation symbolique de la Place de la République, laquelle a ratifié le débordement du cadre de la contestation – contre la Loi Travail et son monde – en essayant d’attribuer une forme inédite à la convergence des luttes depuis si longtemps convoitée. Inévitable, donc, que les personnes réunies sur la place contre vents et marées, tôt ou tard sentent le besoin d’aller faire leur fête à l’incarnation quintessentielle du nouvel extrémisme du centre, leur voisin Monsieur Manuel Valls. Interclassiste et libératoire, le slogan exprime à fond le caractère de la mobilisation qui a connoté ce printemps passionnant et passionné : la volonté largement inclusive de se soulever ensemble et de repartir après une année horrible, celle de 2015, qui a commencé avec les tueries de janvier et qui s’est achevée en automne, entre les attentats du 13 novembre, l’institution de l’état d’urgence et la répression des opposants à la COP21.
Le but que nous nous sommes fixés avec cet essai est de parcourir brièvement les moments topiques qui ont scandé la mobilisation et de poser, dans le chapitre 3, un point de fuite afin de tracer des perspectives passibles d’alimenter ultérieurement le débat politique lors de l’automne prochain. Pour accomplir une telle tâche, nous tenterons tout d’abord de réinscrire les événements français – avec leurs spécificités, à savoir l’articulation entre les protestations contre la Loi Travail (qui ont vu impliqués en première ligne étudiants, travailleurs et syndicalistes) et Nuit debout (dont la composition est plus mixte) – à l’intérieur des coordonnées spatiales et temporelles de la crise globale déclenchée en 2007-08 et du cycle de lutte qui l’a accompagnée (séquence grecque, printemps arabes, Indignados, Occupy Wall Street, révoltes brésiliennes, turques, etc.). Ce sera l’enjeu du chapitre 1. Ensuite, dans le chapitre 2, nous essaierons de contextualiser la mobilisation dans un cadre plus large, en montrant pourquoi « le long mars français », si on veut le définir ainsi en détournant une belle formulation de Giovanni Arrighi, est tel car il puise ses racines dans une histoire récente qui le précède et qui le dépasse. En particulier, pour ce qui est de la France, nous croyons que deux phénomènes ont joué un rôle véritablement crucial dans ce qui a devancé les protestations contre la Loi Travail : les revendications syndicales de l’automne 2015, et la chape qui a étouffé l’espace public national – et parisien notamment – après les attaques de janvier et de novembre. D’un côté, il nous semble que les quatre manifestations qui ont cadencé la phase expansive du mois de mars ont fourni une forme collective et presque-unitaire aux conflits sectoriels de Goodyear, de Continental, d’Air France, etc., en donnant lieu à une sorte de climax ascendant culminant avec la journée du 31 mars – journée qui a vu descendre sur les places un million et demi de personnes (dont un million à Paris) et qui a ensuite inauguré les Nuits debout. à ce propos, l’enthousiasme avec lequel la pétition contre la proposition de Loi El Khomri a été souscrite entre fin février et début mars constitue un moment de jonction emblématique. De l’autre, ce qui a été vraiment remarquable avec Nuit debout, c’est la transformation qu’elle a imprimé au débat et à l’espace public français. Jacques Rancière l’a souligné lucidement : Place de la République est passée de lieu de la souffrance et du deuil collectifs, d’une jeunesse blessée et impuissante, à espace de discussion et d’action politique, à point de condensation sociogéographique d’une subjectivation politique qui vise à remettre en cause non seulement la Loi Travail, mais des pans entiers du présent (bien que cette sensation d’excédent ait déjà été bien présente lors des Assemblées Générales interluttes et interprofessionnelles qui ont constellé le mois de mars). Il nous semble que, là aussi, le collectif #OnVautMieuxQueCa et son site http://www.onvautmieux.fr/, devenu viral vers la moitié de février, ont représenté une sorte de pont, dans la mesure où, en lien avec la montée de la contestation dans les lieux de travail, ils ont impulsé le passage d’une narration des expériences vécues axées autour de la douleur pour les victimes, du chagrin et de la peur du terrorisme vers le récit des discriminations quotidiennes concernant les abus et les mauvais traitements sur les postes de travail, les injonctions extracontractuelles, les horaires excessifs, les vexations, les salaires ridicules, les discriminations racistes et sexistes, etc., en promouvant cette prise de parole, si répandue à Nuit debout, qui a produit une volonté d’action commune.
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