Thierry Paquot
POÉSIES URBAINES – De Baudelaire à Grand Corps Malade
« Rhizome », Eterotopia, 2023, 124 pages, 16 euros
Critique publiée sur le site de la revue Topophile
L’ouvrage de Thierry Paquot a tout d’une traversée urbaine. Il contient son lot de surprises, sollicite les affects et nous met à l’épreuve de la foule et de l’altérité. Les nombreux poèmes cités reflètent bien le fondement de la ville à savoir, selon l’auteur, « la cohabitation d’individus en une communauté urbaine ». Si les vers arpentent Paris, mais aussi New York, Marseille, Saint-Denis, Caen, Bamako… ils s’en affranchissent pour mieux devenir le réceptacle d’un souvenir ou d’une émotion.
Cette « anthologie désordonnée » selon les termes de l’auteur est un véritable voyage littéraire et poétique : de l’exaltation de la machine à l’exploration de la modernité à la fin du XIXe siècle, de la Ville tentaculaire à la Ville idéalisée (à travers le futurisme et l’unanimisme) au début du XXe siècle, aux enfants des cités et des quartiers dans le rap et le slam des dernières décennies.
Le premier chapitre revient sur l’engouement des poètes pour le progrès technique. Chaque page amène son lot d’images : je pense bien sûr à la fée électricité de Raoul Dufy présentée en 1937 pour l’exposition universelle, à l’autoportrait de Tamara Lempicka (1932) qui glamourise la voiture ou encore aux constructeurs de Fernand Léger (1950) en train d’assembler une structure métallique.
Le deuxième étudie la notion de « modernité » et rend hommage aux figures du flâneur et du citadin, chères à Balzac, Baudelaire et Hugo. Ces poèmes ont quelque chose d’intemporel : ils invitent à descendre dans la rue, à déambuler au hasard des rencontres, à errer au hasard de la foule, à prendre son bain de ville quotidien. Thierry Paquot, par ailleurs auteur d’une anthologie littéraire intitulée Flâner à Paris (Infolio, 2016), nous le rappelle : « C’est cela, la grande ville. Ce lieu de tous les déplacements possibles. On n’est plus à sa place. On est déplacé. Et heureux de l’être. »
En compagnie de Verhaeren, Jules Romains (et l’unanimisme), l’Abbaye de Créteil, Marinetti (et le futurisme), Apollinaire, le troisième chapitre arpente la Ville où fusionnent toutes les individualités.
Le quatrième chapitre traite de la poésie urbaine contemporaine à travers le rap et le slam. Il trace une carte sensible des attaches territoriales de ces poètes performeurs et performeuses : Neuf-Trois, Brooklyn, Gibraltar… Le rap devient une forme de représentation artistique de territoires marginalisés qui expriment leurs propres centralités. La poésie navigue entre colère, fierté et récits de vie.
« Aucune rue, même la plus pitoyable ; aucun quartier, même le plus déshérité ; aucune bourgade, même la plus insignifiante ne leur sont indifférents. Tout lieu possède son merveilleux. C’est dans sa banalité que git la surréalité qui le transfigure. »
Thierry Paquot
Qu’ils ou elles soient d’hier ou d’aujourd’hui, d’une capitale ou d’une banlieue, leurs mots magnifient la Ville ou leur ville. « Aucune rue, même la plus pitoyable ; aucun quartier, même le plus déshérité ; aucune bourgade, même la plus insignifiante ne leur sont indifférents, écrit Thierry Paquot. Tout lieu possède son merveilleux. C’est dans sa banalité que git la surréalité qui le transfigure. »
Lire Poésies urbaines. De Baudelaire à Grand Corps Malade sollicite tous nos sens. Si la lecture débute silencieuse, on ne peut s’empêcher de murmurer un vers, de susurrer une strophe, de déclamer un poème pour en apprécier pleinement tout le rythme et la beauté. Que vous ouvriez cet essai dans l’intimité de votre foyer, dans l’anonymat du métro, dans l’agitation de la rue, ces poésies urbaines méritent d’être entendues ! Nous vous partageons à cet effet une playlist (cliquer ici), librement composée à partir des références citées dans l’ouvrage. Écoutez la rumeur de la ville.
Jeanne Veraldi,
« Poésies urbaines. De Baudelaire à Grand Corps Malade » de Thierry Paquot